Le cannabis et la schizophrénie
Professeur Jean Costentin
Les relations entre l’abus de cannabis et cette grave
pathologie psychiatrique qu’est la
schizophrénie sont scientifiquement solidement fondées. Les résistances à le
reconnaître par une petite fraction de psychiatres très médiatisés a contribué
à la banalisation de cette drogue et a différé l’indispensable mise en garde
qui aurait du prévaloir, accroissant le nombre de ses victimes. Il est urgent
de diffuser cette information majeure à tous nos concitoyens.
L’auteur de cet
article diffuse depuis plus de vingt ans cette information. Il a été aidé par
l’UNAFAM (union nationale des amis et des familles des patients atteints
d’affections mentales). Il a été convié en de nombreuses villes de France, où
cette association a une structure départementale, pour faire des conférences,
afin d’alerter sur ce risque. Il a rencontré de nombreux parents dont l’un et
parfois même deux enfants étaient victimes de schizophrénie, dont un certain
nombre d’entre eux avaient identifié la responsabilité du cannabis dans cette
affection, étant aussi les premiers témoins des symptômes qui présentait leur
enfant ; ce qui perturbait intensément leur vie familiale. J’ai fais la
connaissance de ces parents, forgés au feu de cette rude épreuve, aux
personnalités attachantes. Ils trouvaient, en dépit de leur drame familial, la
force nécessaire pour en prémunir d’autres familles ; ils organisaient ces
conférences, souvent largement suivies, pour que j’effectue cette mise en garde
contre le cannabis.
La schizophrénie affecte 1% environ de la population ;
elle concerne en France plus de 600.000 individus. Mais les services
médico-psychologiques, hôpitaux et cliniques psychiatriques en suivent moins de 300.000 ; les autres, en
prison, aux fin fonds des quartiers ou des campagnes évoluent sans diagnostic
ni traitement ; marginaux de la rue, remorqués par leur chien, souvent
ivres d’alcool, de cannabis ou de cocaïne/crack.
Cette maladie se manifeste à
l’adolescence par des délires (pensées coupées du réel, sorte de rêve éveillé,
s’imposant au malade comme une réalité indiscutable), des hallucinations
(perceptions erronées, fallacieuses, irréelles), de l’agitation, une perte de la cohérence de la pensée, des perturbations de la faculté d’apprendre et
de mobiliser ce qui est appris… Elle est émaillée d’épisodes aigus d’agitation,
pouvant imposer des hospitalisations. Elle est apaisée, mais jamais guérie, par
des médicaments (neuroleptiques et autres antipsychotiques). Elle est d’un coût
considérable pour la nation : ses
victimes sont pour la plupart assistées leur vie durant, le coût des soins
hospitaliers et des médicaments est considérable.
Les relations entre le cannabis et la schizophrénie étaient
déjà perçues à l’époque lointaine où elle était désignée « aliénation
mentale ». Un aliéniste célèbre (on dirait aujourd’hui
« psychiatre ») Jacques-Joseph Moreau de Tours, qui égayait ses
soirées, avec des membres du « club des haschischins » dans l’hôtel
Pimaudan de l’ile de la Cité à Paris, en consommant la « confiture
verte » ou « dawamesk » (comportant du cannabis), observait chez ses amis du
mouvement romantique (C. Baudelaire, V. Hugo, G. de Nerval, E. Delacroix…) les
mêmes troubles que ceux qu’il étudiait chez ses « aliénés ». Il
écrivit un traité - « Du haschish et de l’aliénation mentale »,
c’était en 1853 !
On reparle du
cannabis et de la schizophrénie dans les années 1950, avec Thenant et Grosbeck,
qui constatent que les soldats américains stationnés en Europe, qui trompaient
leur ennui en fumant du cannabis, étaient près de 3 fois plus fréquemment
affectés de schizophrénie que leurs homologues restés aux U.S.A. ne consommant
pas de cannabis.
Il en est à nouveau question, dans un article paru en 1983
dans la prestigieuse revue médicale « The Lancet « qui relate
une étude réalisée en Suède (alors aussi
laxiste que l’est actuellement la France, en matière de cannabis). Le
psychiatre S. Andreasson, suspectant une relation entre la consommation de
cannabis par les jeunes Suédois et l’incidence de la schizophrénie, convainc les
autorités politiques de lui accorder d’importants crédits pour élucider cette
question. Les 50.000 conscrits Suédois de 1970 seront tous examinés par des
psychologues et, le cas échéant, par des psychiatres, afin d’identifier les
victimes de schizophrénie, pour les sortir de l’étude. Tous les autres, enrôlés
dans cette étude, devront déclarer leur consommation éventuelle de cannabis et
son importance, avant la conscription. L’évolution de leur santé mentale sera
suivie durant les 10 années ultérieures, grâce au registre de santé mentale qui
existe en Suède. En 1983 les résultats sont publiés ; ils montrent que le
fait d’avoir consommé avant l’âge de 18 ans plus de 50 « joints »
multiplie par 6 le risque de devenir schizophrène au cours des 10 années
suivantes. Cette cohorte sera « revisitée » et suivie sur 5 années
supplémentaires par un psychiatre Gallois, S. Zammit. Il confirme les résultats
d’Andreasson et les conclue en disant qu’une Nation dans laquelle le cannabis
ne sévirait pas verrait son nombre de schizophrènes diminuer de 15%. Pour la
France cela diminuerait de 90.000 le nombre des patients souffrant de cette
grave affection !
En 2002, une étude
Néo Zélandaise complète d’une certaine façon par l’amont l’étude précédente. Une
pédopsychiatre, M.- L. Arsenault,
constitue une cohorte de 1000 adolescents ayant
débuté leur consommation de cannabis au Collège (entre 12 et 15 ans), elle y associe 4000 autres n’ayant pas
consommé de cannabis à cet âge ; et elle donne rendez-vous à tous pour
leurs 18 ans. Chez ceux n’ayant jamais consommé de cannabis (ni d’autres
drogues), elle trouve 1% de schizophrènes. On peut hélas devenir schizophrène
sans jamais avoir consommé de cannabis ; disons « hélas » car,
sinon, on saurait éradiquer cette maladie grave en faisant respecter
rigoureusement l’interdiction du cannabis. Chez ceux ayant débuté une
consommation de cannabis entre 15 et 18 ans, près de 3% d’entre eux sont
diagnostiqués schizophrènes à 18 ans, et enfin chez ces mille gamins qui ont
débuté leur consommation de cannabis entre 12 et 15 ans, 100 d’entre eux, soit
10%, sont schizophrènes à 18 ans !
Les mécanismes neurobiologiques à l’origine de cette
affection s’éclairent ; ils expliquent pourquoi le risque est d’autant
plus important que le consommateur est plus jeune et que les doses consommées
sont plus importantes.
Le THC du cannabis trouble la maturation cérébrale qui se déroule entre 12 et
22 ans. Durant cette période les neurones (tels des arbres) multiplient leurs
ramifications (branches) et leurs boutons synaptiques (feuilles), établissant
de très nombreux contacts avec les
neurones voisins ; c’est la prolifération (sprouting). Certains contacts ou synapses sont mobilisés par une
fonction (transfert d’information) ; ils ont vocation à être
pérennisés ; les autres, inutilisés, vont être élagués (pruning). Dans cette partie de bras de
fer entre prolifération / sprouting
et élagage / pruning, des substances
endogènes, les endocannabinoïdes, (dont le THC mime les effets) sont à la
manœuvre pour réguler ces processus d’une façon fine et subtile, à la
différence du THC qui s’impose partout à la fois, intensément, durablement, tel
« un éléphant dans un magasin de porcelaine ». Ainsi, l’irruption du
cannabis à cette phase critique de la maturation cérébrale, élague des synapses
qui auraient du perdurer et laisse survivre des synapses qui auraient dû
disparaître. Il s’ensuit une réduction des capacités cognitives
(affaiblissement intellectuel) et l’utilisation des synapses anormalement
conservées pour laisser passer des informations aberrantes (support des
troubles délirants et hallucinatoires).
Alors que la consommation
du cannabis concerne près de 20% des individus dans la population adulte, elle
représente jusqu’à 60% des schizophrènes dans certaines études.
Le cannabis peut
induire sur un fond de vulnérabilité une schizophrénie ;
Il peut décompenser une schizophrénie latente ;
Il peut aggraver une schizophrénie déclarée ;
Il induit une résistance aux traitements
antipsychotiques/neuroleptiques que l’on oppose à l’affection, allongeant la
durée des séjours hospitaliers ;
Il peut faire émerger des épisodes aigus imposant de
nouvelles hospitalisations ;
Il est souvent à l’origine des violences commises par des
schizophrènes (même si les médias ont longtemps voulu ne pas faire état du rôle
du cannabis à cet égard)
Ces données multiples et convergentes ont nourri ma
détermination à lutter contre le fléau cannabique. Ses effets très délétères
concernent, outre la schizophrénie, divers autres troubles et maladies psychiatriques :
-Désinhibition à l’origine de comportements dangereux,
auto- ou hétéro-agressifs ;
-affaiblissement des capacités cognitives, de la faculté de
comprendre et d’apprendre ;
- anxiété ;
-dépression ;
- escalade vers la cocaïne ou l’héroïne.
Plus récemment viennent d’être caractérisés ses effets
épigénétiques. Ils sont tels que les individus en âge de procréer qui
consomment du cannabis, exposant leurs spermatozoïdes ou leurs ovules à son
THC, peuvent transmettre à l’enfant qu’ils viendraient à concevoir, outre
diverses anomalies, une vulnérabilité aux toxicomanies, une prédisposition à l’autisme ou à la
schizophrénie.
Pourtant, malgré tout cela,
le chœur des déconstructeurs, des
démagogues, des lobbies mercantiles et des consommateurs au psychisme altérés
par cette drogue, ne cesse de donner de la voix pour obtenir sa légalisation.
Aiguisons nos arguments pour leur résister et empêcher
cette légalisation dont les effets seraient épouvantables.