La dimension financière des " interruptions de vie ou de grossesse "


Lorsque l'on sait que la majorité des IVG sont motivées par des raisons économiques et non psychologiques,
lorsque l'on sait que la majeure partie des coûts médicaux sont ceux de la fin de vie,
on ne peut que s'interroger sur la dimension financière des apologies de la liberté de choisir ou de consentir aux décisions de ces "interruptions de vie ou de grossesse".

Notre société ne devrait elle pas être avant tout être maternelle, protectrice de la vie, soucieuse de la vie, soucieuse de protéger le premier asile de nos vies : nos corps ?



Je ne crois pas du tout à la nécessité logique d'un refus de reconnaissance d'un droit à la vie pour assurer la reconnaissance d'un droit à l'intégrité du corps ou à disposer de son propre corps.
Le droit des femmes et des adultes de disposer de leur propre corps et de leur propre vie me paraissent suffire à justifier de la reconnaissance de ces droits sur soi même.

Par contre pour faire sauter le verrou qui dans notre société protège la vie des êtres humains nés contre les appétits économiques, l'arrêt de l'aide physique apportée à un homme qui respire, dort et se réveille naturellement, est un franchissement symbolique qui peut s'avérer capital.

Je ne ressens nul besoin de tuer Vincent Lambert pour protéger le droit des femmes à l'avortement ou le droit de se suicider avec l'accompagnement de proches ou de médecins.
Mais il me semble évident qu'il faut absolument qu'il meure pour que l'on puisse éliminer désormais tranquillement, sous "sédation intellectuelle", sous paralysie des réflexes affectifs humains élémentaires, les bouches inutiles.

Quand notre société aura accepté qu'un homme dont on ne sait rien de l'état d'esprit actuel, quasiment rien des joies et souffrances et sentiments actuels, qui vit en état de conscience et de communications, aussi réduites soient elles et sans avoir à supporter de souffrances physiques, soit délibérément entraîné vers la mort, alors un pas décisif sera probablement franchi vers la normalisation de l'élimination des personnes dont d'autres estiment que leur vie ne "vaut pas".

Les personnes âgées ou handicapées ne sont pas un marché solvable pour les grandes firmes, elles ne sont non non plus, de même que la mise au monde des cadets des familles relativement aisées, un investissement valorisant dans une société où le développement de soi et de ses performances est le culte le plus développé, culte lié à celui de la rentabilité, preuve de la performance individuelle.

La performance matérielle, l'accumulation matérielle, l'emportent donc en valeur sur la vie des êtres, la valeur reconnue comme économique car tangible, sur la valeur immatérielle du lien gratuit, du lien pour lui même, entre les vivants.




Vincent Lambert est d'abord pour lui-même, d'abord un cas particulier dont nous, public, ne savons que fort peu.
Selon les termes d'une médecin de soins palliatifs, les cas tels que ceux de cet homme, ramené d'entre les morts par un usage imprudent ou lui aussi mal pensé de la réanimation, sont de l'ordre de l'"impensable".

Mais symboliquement, sa vie ou sa mort cette semaine, et ce que nous en aurons "pensé", réfléchi, pour décider collectivement, puisque telle est aujourd'hui la réalité de notre responsabilité collective dans les décisions de la Justice sur son sort,  sont aussi probablement un fait historique très important pour le dessin de l'avenir de notre civilisation.

Nb : j'emprunte le terme d' "interruption de vie" au vocabulaire des années 30 désignant l'euthanasie des handicapés.

 Agnès Roukline